nouveau mouvement,coopératives de femme
La slow fashion, nouvelle conscience de la mode
Texte : Jean-Claude Poitras
Photo:Louve montreal
(Photo de bijoux signés Louve – Le fait main, la confection locale et les matières écoresponsables vont dans le sens de cette nouvelle conscience en mode. Crédit Louve)
MONTREAL
La mode est en crise, les mauvaises nouvelles ne cessent de s’accumuler sur cette industrie en pleine mutation partout dans le monde. Depuis la naissance de la haute couture, en 1858, la mode a toujours su se réinventer et renaître de ses cendres.
Nul doute qu’elle saura une fois de plus se redéfinir et retrouver son erre d’aller, d’autant plus que plusieurs intervenants venus d’horizons très diversifiés commencent à exercer un véritable leadership.
Ces visionnaires font de prime abord un constat fort pessimiste de la réalité actuelle de la surconsommation et de la mondialisation, tout en déplorant et en condamnant le rythme infernal de ce qu’ils qualifient de fast fashion.
Impuissante, l’industrie assiste, depuis le début du siècle, à l’escalade de chaînes toutes puissantes devenues des multinationales intégrées à la verticale, qui misent sur le pouvoir d’achat des jeunes consommateurs aux quatre coins de la planète.
Les géants que représentent dorénavant H & M et Zara, notamment, dictent leurs lois et imposent un nouveau cycle de la mode en accéléré, avec un renouvellement chaque mois des collections à tout petits prix.
Le prêt-à-porter prend ainsi de plus en plus des allures de prêt-à-jeter. Fast fashion, fast-food, même nivellement par le bas.
Si le business de la mode semble omniprésent dans le bas de gamme, il règne également de façon exponentielle du côté des marques de luxe qui font rêver les fashionistas en cette époque où triomphe la tendance bling-bling. Les conglomérats de luxe représentent de véritables empires financiers regroupant une multitude de griffes prestigieuses.
La croissance fulgurante de cette industrie s’agrandit de façon planétaire grâce à Dubaï, au Qatar et à l’Arabie saoudite, bien sûr, mais également à cause des pays émergents de l’Europe de l’Est et de l’Amérique du Sud, mais principalement de l’Asie.Nous assistons donc à la consécration des extrêmes et à l’effondrement du milieu de gamme.
La mode est arrivée à la croisée des chemins avec cette surconsommation à outrance, la désinformation abusive du consommateur, l’éthique professionnelle, l’esclavage salarié et les manufacturiers de misère.
Il suffit de rappeler l’effondrement d’un édifice délabré où s’entassaient une multitude d’ateliers de confection miteux, le Rana Plaza au Bangladesh, le 24 avril 2013, qui a fait 1200 morts et plus d’un millier de blessés, pour saisir l’ampleur du malaise qui secoue l’ensemble des acteurs du milieu.
Visiblement, les vieux modèles traditionnels ne fonctionnent plus. Le temps semble venu de penser différemment et de faire les choses autrement.
Un nouveau mouvement
Le mouvement slow fashion s’impose partout dans le monde, ralliant de plus en plus d’adeptes qui apportent des solutions concrètes pour contrecarrer les conséquences affligeantes de la production de masse sur les droits des travailleurs, surtout dans les pays du tiers-monde.
L’utilisation monstrueuse de produits chimiques toxiques mêlés à l’eau pour la teinture des textiles qui polluent nos ruisseaux, nos rivières et nos lacs, reste une triste réalité qui n’a plus sa raison d’être. Il existe depuis quelques années des équipements à la fine pointe de la technologie qui ne nécessitent plus d’eau pour teindre les fibres.
Ces dernières découvertes se sont matérialisées grâce aux initiatives des alliés du mouvement slow fashion.
Cette prise de conscience mondiale, qui a tardé à se propager, semble aujourd’hui devenue une vague irréversible qui s’infiltre dans tous les domaines reliés au design.
Changer la donne
La mode ballottée entre les adeptes du courant global, qui impose ses diktats et ses standards, aplanissant toute forme de différenciation, prend dorénavant le tournant « glocal » qui, au contraire, puise dans les racines, les origines et les traditions caractérisant l’authenticité des cultures du monde afin d’en faire rayonner le style local à l’échelle planétaire.
On assiste à la multiplication des coopératives de femmes et d’ouvriers et à des gestes de solidarité qui risquent de changer la donne. En ce sens, la Québécoise Laure Waridel, cofondatrice de l’organisation écologique Équiterre, est devenue une figure de proue de la mode éthique avec notamment la publication de son guide du vêtement responsable.
Plusieurs décideurs démontrent que cette philosophie ne s’adressait pas uniquement aux artisans de cette profession et qu’elle n’avait rien de marginal. L’entreprise californienne de vêtements écotechniques et entièrement recylcés, Patagonia, s’est donné la mission de faire réfléchir sur l’hyperconsommation.
Elle a fait paraître dans The New York Times, le jour même du célèbre Black Friday qui marque le coup d’envoi de la période des achats de fin d’année, une page publicitaire montrant une veste de sport où il est écrit : « Don’t buy this jacket » (« N’achetez pas cette veste »).
Le capitalisme responsable fait partie intégrante également de l’adrénaline de Blake Mycoskie, fondateur de Toms Shoes, la marque de chaussures américaines qui a su se démarquer en se positionnant dès ses débuts, en 2006, comme une société axée sur l’idée de donner au suivant.
Son modèle d’affaires unique, basé sur le principe d’offrir une paire de souliers à un enfant dans le besoin pour chaque vente de chaussures Toms, a fait une énorme différence dans le monde.
La chaîne d’entraide et le financement aux organismes d’aide aux enfants dans les pays défavorisés ont dépassé toutes les attentes. Ce pionnier philanthrope est devenu un initiateur de changement et un missionnaire des temps modernes.
La slow fashion, c’est tout cela et bien plus encore, la mode qui nous raconte finalement une belle histoire.