Communications CMAQ
Obsession d'une Louve: géométrie audacieuse et assemblages minimalistes
Entrevue CMAQ avec Virginie Turcot-Lamarre, Louve Montréal
Photos : Dominic Lachance et Louve Montréal
MONTRÉAL
Virginie Turcot-Lamarre, alias Louve Montréal, merci d'avoir arrêté le temps et d'avoir accepté de te prêter au jeu de l'entrevue Matière à réflexion. Ici, pas de règles, pas de réponses justes. Ici, on passe de la confidence au ludique, du savoir au faire... Des contrastes à la lumière ...
Tes matières (bois et cuir), pourquoi ?
J'ai grandi entourée d'une famille où tout le monde travaille le bois un peu à sa manière. J'ai moi aussi été séduite par la chaleur de cette matière et la possibilité d’en faire des bijoux imposants. Je pense que le bois répond bien à mon approche esthétique minimaliste. On dirait que sa nature organique adoucit la rigidité des formes géométriques avec lesquelles j’aime travailler. Je trouve que ça crée des compositions équilibrées. Le cuir m’a semblé former un alliage intéressant pour complémenter le grain du bois et apporter un élément de flexibilité à mes pièces.
Elles évoquent quoi, elles t’inspirent quoi, quel est ton lien avec elles ?
Je pense que le bois fait partie intégrante de mon héritage familial. Malgré la diversité de nos approches, j'ai l’impression que le travail du bois s’est en quelque sorte imposé comme un langage commun au sein des membres de ma famille.
C’est une matière qui m’évoque le calme et le réconfort, mais aussi la force et la résilience. Le bois est une matière vivante, qui garde une mémoire dans ses fibres, qui demeurent réactives à son environnement et qui continuent de se transformer, mais tout en restant extrêmement durable. Je vois le bois un peu comme une vieille âme qui traverse le temps. C’est une matière que j’aime beaucoup porter près du corps.
Peux-tu élaborer sur l’hybridité de ta démarche à mi-chemin entre la pratique artistique et l'entreprise en métiers d'art ?
Métiers d’art parce que j’ai un respect infini envers les savoir-faire artisans et leur transmission. J’entretiens un intérêt profond pour la transformation de la matière et l’apprentissage de techniques artisanales tant du côté de l’ébénisterie que de la joaillerie. Ma vision est quant à elle très ancrée dans un travail sur la ligne, les proportions et le potentiel évocateur que peuvent avoir des assemblages de formes géométriques; un mode de création peut-être plus proche du milieu du design. Le fait que mes créations soient des pièces à porter sur soi teinte considérablement mon processus, et je me suis rapidement découvert une parenté chez les créateurs de mode. Pour moi, la création de bijoux se rapprochera toujours d’une pratique artistique vu mon parcours en arts visuels et en histoire de l’art.
J’oscille constamment entre le désir de créer des pièces d’envergure pouvant être exposées comme des sculptures, et la connexion avec le public que me permet le format du bijou. C’est toujours un grand bonheur de voir les gens entrer dans mon univers et porter mes créations.
Comment expliquerais-tu ton métier de designer de bijoux et/ou d’ébéniste à un enfant ?
Je découpe dans le bois des jeux de formes que j’aime porter autour de mon cou :)
Mais au fait, que t’inspire l’expression québécoise « on n’est pas sorti du bois » ? ou « toucher du bois ? »
Toucher du bois, c’est complètement à propos avec mes créations. J’aime imaginer que quiconque porte mes bijoux s’attire la chance, et trouve en soi la puissance de “faire arriver les choses”.
Tu rêves de voir ton art …?
…dépasser la taille et la forme du bijou. Même si mes pièces sont déjà considérées comme imposantes (pour du bijou), j’aimerais éventuellement faire des créations au format architectural. Quelque chose qui s’installe sur la totalité d’un mur ou qui occupe l’espace d’une salle d’exposition. Le travail d’installation de Pascale Girardin m’inspire beaucoup en ce sens.
Dans la vie, « ne pas être de bois » ou « dur à cuire » ?
Ne pas être de bois ! Rester ouvert, attentif et empathique aux autres. Soyons sensibles !
Et ... Les phénomènes naturels dans tout cela ?
Les phénomènes naturels ont souvent une place dans mes créations. Qu’il s'agisse de ma série Marche Lunaire ou Moon Reborn où le cycle de la lune était complètement à l’honneur, ou de mon projet de recherche Assemblage Astral que j’ai entamé cette année. Il y a quelque chose qui me fascine dans notre compréhension de l’univers, des symboles qui ont guidé et suscité des interprétations depuis le début des temps. Je trouve l’univers du cosmos très inspirant pour son aspect grandiose et insaisissable.
Tu as en tête une escapade … Tu nous fais découvrir quel.les artisan.es en métiers d’art et dans quelle région ?
Je relance la balle vers Marilyn Bergevin-Armand, qui m’a gentiment invité à répondre à cette entrevue. Son entreprise Le Point Visible est installée aux Bedford Lofts dans les Cantons-de-l’est. Je n’ai pas encore eu l’occasion d’aller la visiter, mais c’est définitivement ma prochaine escapade métiers d’art ! L’espace semble magnifique et il est habité par une brochette d’artisans grandissante qui comprend Christian Roy (céramique), Catherine Labonté (verre), Emmanuel Peluchon (bois), Pascale atelier, Emilie Gaudreault (micro-macramé) et plusieurs autres.
La dernière chose que tu viens d’apprendre ?
Je viens de découvrir comment utiliser une CNC (découpeuse à commande numérique) ! Avec mon obsession pour la géométrie et les assemblages minimalistes, cette machine extrêmement précise me permet d’expérimenter avec des nouvelles formes. Ça m’oblige également à penser différemment la conception de mes pièces et c’est une gymnastique mentale complexe, mais inspirante. Je suis très excitée pour la suite !
Boomerang ! À qui lances-tu l'invitation pour notre prochaine entrevue et pourquoi
Mercedes Morin ! C’est ma partner de Salon des métiers d’art depuis nos tous débuts et je l’admire profondément pour l’audace de ses collections de vêtements. Elle a su trouver sa place en restant complètement fidèle à elle-même et au style qu’elle souhaitait propulser.