COMMUNICATIONS CMAQ _GENEVIÈVE DAVID
De fil en aiguille, créer une source de réconfort et d’émerveillement
Entrevue CMAQ_Geneviève David avec Marilyn Bergevin-Armand
Photos Le Point visible
MONTÉRÉGIE
Marilyn Bergevin-Armand— Courtepointière chez Point visible, Marilyn, merci d'avoir arrêté le temps et d'avoir accepté de te prêter au jeu de l'entrevue Matière à réflexion. Ici, pas de règles, pas de réponses justes. Ici, on passe de la confidence au ludique, du savoir au faire… des contrastes à la lumière… À toi de jouer, allons-y!
Ta matière, pourquoi ?
C’est ma façon de m’exprimer. J’ai la plupart du temps des tonnes d’idées en tête, de projets créatifs. Avant de découvrir le médium de la courtepointe, j’explorais constamment les différentes matières et médiums. Lorsque j’ai découvert la courtepointe et l’exploration qu’elle créait à travers le textile, c’est comme si elle devenait mon catalyseur créatif.
Elle évoque quoi, elle t’inspire quoi, quel est ton lien avec elle ?
Elle évoque l’enfance, l’héritage et avant tout, toutes les femmes qui m’ont entourées.
Élevée par ma grand-mère et mes tantes, j’ai grandi dans l’univers de la couture. Ce cocon familial est devenu un lieu de transmission et d’exploration des matières, des textures et des couleurs dès mon enfance. C’est par la suite en faisant la rencontre de France Verrier, courtepointière issue du Cercle des fermières de Cowansville, que je découvris ce médium. J’ai pu mesurer à ce moment toute l’ampleur du travail d’artisanat derrière chaque courtepointe. Ce travail des femmes, longtemps invisibilisé, prenait alors une valeur toute particulière.
Ainsi, malgré la douceur et le réconfort que la courtepointe procure immédiatement, il y a une puissance et un caractère particulier qui en émane.
Pourquoi parles-tu de surcyclé et écoresponsabilité dans tes pratiques ?
Parce qu’il était fondamental pour moi de créer un projet créatif en accord avec mes valeurs. Ça se traduisait avant tout par des valeurs environnementales et écoresponsables puisque ce que je créais serait un produit de consommation qui s’inscrivait dans l’industrie du textile. Cette industrie est la deuxième plus polluante au monde après le pétrole et il était inconcevable que je m’inscrive dans le fast-fashion actuel.
Dès le départ, la création de courtepointes à partir de matières surcyclées s’est imposée. Ça permettait de détourner des centres de tri des matières neuves tout en revalorisant ces matières en un tout nouveau produit. J’essaie autant que possible de faire des créations zéro déchet non pas pour l’aspect marketing, mais par conviction. Malgré les contraintes que le travail issu du surcyclage apporte, ça nous pousse à créer autrement tout en nous imposant un rythme propre au travail de l’artisan.e.
Comment expliquerais-tu ton métier à un enfant ?
C’est comme faire un puzzle. On regarde l’image qu’on veut créer et on cherche dans nos tissus pour trouver les bons morceaux. :)
Mais au fait, l’expression «De fil en aiguille» ça t’inspire ?
La courtepointe est un art de patience. À partir de presque rien, on peut créer une pièce monumentale. C’est petit à petit, en assemblant les retailles qu’on peut arriver à créer une pièce complète. Le résultat se dévoile souvent qu’à la toute fin, une fois la surpiqure achevée.
Avoir la fibre, pourquoi et comment ?
La première chose qui me vient en tête est la fibre… entrepreneuriale. Sans savoir quand et comment cela aboutirait, j’ai toujours souhaité mettre sur pied mon entreprise. C’était synonyme de créer mon propre idéal de vie et d’avoir une autonomie que j’allais moi-même m’accorder. Le rapport hiérarchique du travail m’a toujours énormément confronté et c’est pourquoi aujourd’hui j’essaie de prioriser l’humain avant tout dans mon entreprise. Nous sommes actuellement trois dans l’équipe et chacun et chacune participe à l’entreprise dans la mesure où il et elle l’entend. Je valorise énormément le partage, la communication, le bien-être et les bonnes conditions de travail. Je l’appelle ma team de feu, et c’est l’une des choses dont je suis le plus fière: avoir réussi à partager et créer un réel échange autour de mon projet entrepreneurial.
Tu rêves de voir ton art… ?
- dans un musée :)
- dans d’autres pays
- dans des hôtels
- sur le divan de Céline Dion, hahaha
Dans la vie, se battre à plates coutures ou filer droit ?
Filer droit.
Pour moi ça signifie avoir un objectif et de s’y tenir. Malgré le chaos que peut signifier de mener une entreprise, on essaie d’être le plus organisé possible dans tout ce qu’on fait, que ce soit du classement des tissus à l’organisation de notre calendrier. Le fait d’avoir des valeurs d’entreprise auxquelles on tient mordicus nous aide souvent à focaliser, se recentrer et éviter de partir dans tous les sens. Pour être en harmonie avec celles-ci, on doit avoir une logique et une cohérence dans chacune de nos prises de décisions. On pense et on crée nos projets en fonction de notre modus operandi.
Et ... le patron dans tout cela ?
Pour moi “patron d’entreprise” n’évoque rien auquel j’aspire outre peut-être la charge mentale supplémentaire. Entrepreneure est plus significatif au sens où il se rapporte à la passion et à l’énergie que j'investis dans ce projet depuis le début. Autrement, nous sommes avant tout une équipe où tout le monde est l’expert.e de ses propres champs de compétences. On est complémentaire et chacun.e est ouvert à partager ses connaissances pour enrichir l’expérience de l’autre. Je demande constamment l’avis de mes collègues et j’évite au maximum de créer un rapport hiérarchique entre nous.
La pièce ou l’expression ?
La pièce EST l’expression.
À travers mes pièces, j’essaie d’aborder toute une richesse qui se traduit par différentes couches d’expression. Par leur unicité, mes courtepointes se veulent un objet de curiosité, d'authenticité, d’originalité qui tend vers le regard qu’on pose sur une œuvre d’art. Par contre, je tenais à rapprocher l’art au quotidien de chacun en créant des objets utilitaires et durables dans le temps. Mes pièces expriment également toutes les valeurs qui me sont essentielles (écoresponsabilité, artisanat, respect, éthique, qualité, durabilité). Finalement, par ce médium, c’est tout un savoir-faire artisanal traditionnel et culturel que j’évoque. La plupart des familles québécoises ont une histoire familiale de courtepointe qui s’y rapporte et c’est ce que je souhaite faire perdurer dans une esthétique renouvelée.
Tu as en tête une escapade … Tu nous fais découvrir quel.les artisan.es métiers d’art et quelle région ?
Kamouraska!!! Cette ville recèle une multitude d’artisan.es que j'admire et que j’adore visiter surtout par le lieu enchanteur qu’est Kamouraska. Je suis entre autres fan de: Le Tenon et la mortaise, la boutique le Fil bleu, Atelier V cuir et Arbol cuisine.
La dernière chose que tu viens d’apprendre ?
Comment faire un plan de marketing!
Boomerang! À qui lances-tu l'invitation pour notre prochaine entrevue? Et pourquoi?
Virginie Turcot-Lamarre avec Louve MTL parce que je suis une fan finie de ses bijoux depuis toujours. Je trouve qu’elle réussit avec brio à évoluer et à se renouveler, tout en conservant sa touche très spécifique si distinctive à son entreprise. C’est une artiste extrêmement talentueuse qui m’inspire toujours à m’améliorer et à ne pas avoir peur d’essayer des idées flyées. Elle continue de se former dans toutes sortes de disciplines afin de peaufiner ses nouvelles collections et de nous surprendre chaque fois.